Bassirou Diomaye Faye-Ousmane Sonko : du duo au duel au sommet de l’État ?

Les relations entre le président sénégalais et son Premier ministre ne cessent de se détériorer. Le duo fusionnel s’est mué en une cohabitation tendue. L’analyse de François Soudan dans La Semaine de Jeune Afrique sur RFI.


Depuis près de cinq mois, les tensions entre les deux hommes s’étalent sur la place publique, alimentées par des prises de position parfois antagonistes, voire des visions stratégiques profondément différentes. Le slogan fondateur de la campagne – « Diomaye égal Sonko » – a laissé place à une relation crispée, dans laquelle chacun veille à éviter l’hypothèse d’un divorce formel, tandis que leurs partisans, eux, se livrent à une confrontation de plus en plus ouverte.

Une situation que décryptent Mehdi Ba et Marième Soumaré dans l’article que Jeune Afrique consacre cette semaine à cette guerre au sommet de l’État sénégalais, sur laquelle François Soudan revient au micro de RFI. Le Premier ministre, Ousmane Sonko, a deux principaux griefs à l’égard du président, Bassirou Diomaye Faye. Le premier concerne l’attitude jugée trop passive du chef de l’État face aux attaques dont le Premier ministre s’estime victime.

Le second reproche du chef du gouvernement à l’encontre du président porte sur « le fait que Bassirou Diomaye Faye ait nommé une ancienne Première ministre de Macky Sall, Aminata Touré, à la tête de la coalition Diomaye Président », un choix perçu par le camp Sonko comme une tentative de ressusciter une plateforme électorale concurrente de Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef).

Bassirou Dimoaye Faye n’est pas en reste. Il supporte de plus en plus difficilement les « petites phrases » de son Premier ministre – « Je ne travaille pas pour Bassirou, je travaille pour le Sénégal », ou encore : « S’il ne veut plus de moi, qu’il me limoge » –, ainsi que la propension d’Ousmane Sonko à faire cavalier seul.

Une question de légitimité politique
L’épisode de la dette cachée illustre cette divergence, rappelle François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique : « Alors que le chef de l’État menait des négociations discrètes avec le FMI à Washington, Ousmane Sonko a choisi de dénoncer publiquement un “système de corruption généralisée”. » Une prise de position qui « fait désordre », tranche François Soudan.

Derrière ces frictions affleure une question plus fondamentale : celle de la légitimité politique. Ousmane Sonko ne cesse de rappeler, implicitement ou explicitement, que Bassirou Diomaye Faye lui doit son accession au pouvoir, laissant planer l’idée qu’il aurait dû, lui, occuper le palais présidentiel.

Dans ce duel qui s’annonce, aucun favori ne s’impose nettement. Le président Faye dispose « de sang-froid, de sens du consensus et de la prééminence institutionnelle », mais il demeure isolé au sein de son propre camp. Le Premier ministre Sonko, lui, bénéficie « d’un fort charisme et du soutien massif de Pastef », tout en étant handicapé par une « tendance quasi irrépressible au clash ». À quatre ans de la prochaine présidentielle, aucun des deux n’a en réalité intérêt à une rupture formelle. Pour l’instant.

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